Semaine alpinisme 2018

Semaine alpinisme 2018

Semaine oxygénation dans le massif du Mont-Blanc – Par Emmanuelle Texier (AKA Manou) –


 

Cette année, nos semelles nous emmènent sur les hauteurs de Courmayeur, dans le massif du Mont Blanc.

Avant de monter en altitude, nous réveillons nos cœurs et pupilles encrassés de citadins à l’aiguillette des Houches. Le lendemain, nous chauffons muscles et Vibram sur le rocher des Mottets. Les longueurs sont courtes mais nombreuses :  il faut en enchaîner 19 avant d’arriver au sommet. Il fait chaud : la bière sur la terrasse de la buvette des Mottets, face aux Drus, sera tout bonnement divine !

Le troisième jour, nous empruntons le Skyway à Courmayeur. La gare de téléphérique ressemble à une aile de parapente déployée. Nous montons dans les airs dans une bulle de savon qui pivote à 360° le temps de l’ascension. Arrivée sans effort à Torino (fini le « bon vieux » temps où il fallait monter 150 marches d’escalier dans un tunnel interminable avant d’arriver au refuge).

Pour moi, c’est à partir de là que la villégiature s’arrête et que commence l’alpinisme…

Le paysage qui nous accueille est grandiose. Le Mont-Blanc nous surplombe ; l’aiguille du Midi nous fait de l’œil ; l’arête des Cosmiques nous rappelle de très beaux souvenirs ; le Grand Capucin nous observe comme un pion dans une cour d’école et la Vallée Blanche nous offre toute sa beauté, sans pudeur ni vergogne. Un dinosaure semble avoir perdu un ongle à Entrèves et un géant sa dent à Rochefort.

La chance nous gâte : les conditions sont excellentes. Enfin, je parle des conditions météo : le ciel est dégagé et d’un bleu intense, il n’y a pas de vent et le regel nocturne est assuré. Pour ce qui concerne l’équipe, les conditions sont… variables voire conditionnelles !

Nous attaquons l’aiguille d’Entrèves le cœur vaillant. La montée au sommet se passe bien. Je ne l’ai pas dit mais vous aurez lu entre les lignes que la descente sera plus laborieuse… On ne met que quelques heures dans la vue au topo. En positif, je précise (dès fois que j’ai été trop subtile dans la phrase précédente). La traversée est vertigineuse mais d’une rare beauté. A tel point que je me laisse aller à sourire pendant les rares instants où je détache mon regard du bout de mes chaussures !

De retour au refuge, nous nous installons sur la terrasse pour observer la lumière baisser sur l’arrête mythique qui mène au Mont-Blanc de Courmayeur par les demoiselles de Rochefort sœurs de Peuterey, une noire une blanche, entre la croche et la syncope mon cœur balance, et les Dames Anglaises. L’euphorie s’installe et nous décidons que cette année nous arriverons tous en haut de la Dent du Géant.

Euphoriques mais pas complètement saouls, nous décidons de consolider notre acclimatation à l’altitude le jour suivant par une petite course sympathique dans les Aiguilles Marbrées et une deuxième nuit de sommeil. Les lits bancals et superposés du dortoir offriront à certain.e.s l’ivresse d’une navigation de nuit houleuse et sans étoiles…

Le lendemain matin, l’appétit fait défaut à la table du (très) petit déjeuner mais la motivation est là. Nous montons régulièrement jusqu’à la « Salle à Manger », au pied de la canine de granit. De là, on aperçoit l’épaisse couche de meringue qui orne les arrêtes de Rochefort. Ce dessert là n’est pas au menu du jour mais il nous donne envie de revenir. Après une attente bien longue au pied et à l’ombre de la voie, nous commençons enfin l’escalade. Ce contretemps nous forge une conviction : on garde les grosses, pataudes mais chaudes, et on oublie les chaussons ! La course est prisée (je n’ose pas dire « courue »). Il y a des cordées partout, parfois sympas, parfois détestables, des belles, des molles, des joufflues, des pelées et des ridées ! Une première longueur d’échauffement nous amène aux dalles Burgener. La corde fixe qui nous fait de l’œil pète les bras de ceux qui n’ont pas de pieds (j’me comprends…). Une belle traversée nous réapprend la finesse avant d’attaquer une longueur bien athlétique. Ça fait hi, ça fait han. Ça pousse, ça geint mais ça monte. Je miaule après avoir coincé ma chaussure dans une fissure. Un guide bienveillant me sort de ce mauvais pas et une main « bien placée », montée sur vérin, me hisse en haut du passage difficile. A ce niveau, j’ai définitivement perdu mes bras. Je sème mon souffle dans la longueur suivante et manque d’égarer ma lucidité dans le dernier passage qui mène aux très beaux rappels de descente. Il faudra pousser quelques jurons de remotivation pour aller au bout de la dernière descente en terrain pourri. Cette fois-ci, on se rapproche (sans égaler) des records historiques du club en explosant le topo avec panache : plus de 14 heures de course, sans pause pour le casse-croute, la crème solaire ou … les contingences sanitaires ! Nous arrivons in extremis au refuge pour le dernier service du soir (les plats sont déjà repartis en cuisine quand on arrive). Notre équipe est mi-ravie, mi-ratatinée. Nous sommes tous très heureux d’être arrivés là-haut. Les boulets sont aussi admiratifs que reconnaissant de la vaillance des premiers de cordée. Je suis fourbue, fracassée, rincée, essorée. J’ai les yeux qui brillent mais je ne sais pas si c’est à cause de la fatigue ou de la beauté.

Les photos sont ici ! (merci à Francky, Guytoune, Manu et Manou pour les avoir partagées)